Belle initiative issue du Programme National de l’Alimentation depuis 2015, les PAT mériteraient de penser un peu plus « cuisine »
Impulsés depuis 2015, structurés sur des pays ou communautés de communes, ou des pôles d’équilibre territorial et rural (PETR), les PAT – Projets alimentaires de territoires – ont « l’ambition de fédérer les différents acteurs d’un territoire autour de la question de l’alimentation, contribuant ainsi à la prise en compte des dimensions sociales, environnementales, économiques et de santé de ce territoire. Portés le plus souvent par des collectivités territoriales, ils s’appuient sur un diagnostic partagé de l’agriculture et de l’alimentation sur le territoire et la définition d’actions opérationnelles visant la réalisation du projet, dans le cadre d’une démarche ascendante. Les PAT peuvent jouer un rôle capital pour accélérer la transition agricole et alimentaire dans les territoires, en rapprochant les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et permettre notamment de développer des relations entre territoires urbains et ruraux ». A lire ici sur agriculture.gouv
A ce jour, on en compte plus de 440 sur le territoire national . De très nombreuses actions sont menées dans ces PAT autour d’objectifs définis par les différents profils qui y participent. Des ressources permettent de creuser l’intérêt , ou d’évaluer les impacts de ces PAT: on peut trouver des éléments auprès du CEREMA (Climat et territoires de demain) ou auprès de l’ADEME, des tructures particulièrement concernées par la transition environnementale et climatique. Mais aussi auprès d’acteurs plus concernés par les enjeux agricoles et alimentaires comme Soliance.
A ces différents liens, j’aimerais partager mon regard de terrain, en tant que formateur ou conférencier intervenant pour des PAT. Les actions, forums ou formations concernent souvent la restauration collective, identifiée, du fait de ses volumes, comme un levier de relocalisation de l’alimentation, et de soutien à de nouvelles pratiques agricoles en circuit court avec le bio, des productions de légumineuses, etc.. Les cantines, de la crèche à l’Ehpad, correspondent aussi à l’ambition sociale affichée par les PAT: être des vecteurs d’éducation alimentaire et permettre l’accès à la qualité pour tous. Des actions sont aussi menées avec les acteurs de l’aide alimentaire. J’ai participé par exemple à des journées « cantines » ou « associations d’aide alimentaire » dans le cadre du très dynamique PAT-PETR du Pays de Retz.
Dans ces interventions, nous avons montré et démontré avec des collègues (par exemple les membres de l’association « Campus fertile » pour reprendre l’exemple du Pays de Retz), le rôle essentiel de la cuisine pour fonder une culture commune chez les différents profils d’acteurs d’un PAT.
En effet, si les PAT sont une simple agora des acteurs de l’alimentation, sans partager une même culture, et notamment une culture des possibles alimentaires, les grandes logiques du XXème siècle perdurent. Chaque métier regarde les enjeux avec ses propres filtres issus des 30 glorieuses, qui ont forgé les séparations entre producteurs, distributeurs, cuisiniers, éducateurs, « consommateurs » … et amené les pratiques agricoles, économiques et les habitudes alimentaires que l’on connaît et que l’on voudrait changer. Pratiques et représentations certes très diversifiées, mais bourrées de clichés sur ce qui est possible, trop cher, pas bon, etc. dans l’esprit de chacun.e selon son positionnement et son histoire. Des clichés que des actions cloisonnées vers les uns ou les autres, ateliers sensoriels, rencontres de producteurs, formations des cuisiniers ne suffisent pas à dégoupiller.
Mais des temps « multi-acteurs » passés en commun à cuisiner, puis à déguster ensemble sont souvent décisifs. Décisifs pour créer la transversalité entre tous les acteurs interpellés d’abord comme des mangeurs. Avec une cuisine sans apparat, « comme à la maison », mais avec des expériences surprenantes. Avec par exemple des modes de préparation ou de cuisson, qui ne demandent pas de savoir-faire pointus ni de disponibilité importante, qui permettent des économies de produits stupéfiantes qu’il s’agisse de viande ou de végétaux, et que tout le monde trouve délicieux.
Il n’y a guère d’autre moyen de faire entrer puissamment dans les esprits de tous, d’un bout à l’autre d’un PAT, l’idée qu’un produit acheté à un juste prix à un producteur local ne fait pas nécessairement un plat cher. Que cuisiner plus frais et local n’est pas nécessairement chronophage ni ennuyeux avec des légumes d’hiver. Et que des produits si mal connus que les légumes secs, peuvent apporter « d’un bout à l’autre du PAT », des solutions utiles en agriculture, en environnement, en accessibilité, en santé, en éducation, en même temps que de permettre une variété de plats incroyablement faciles et gourmands… même pour des enfants! Toutes ces découvertes bousculent les certitudes tenaces des différents métiers de la chaîne alimentaire.
Recréer de la transversalité est le défi de l’alimentation durable et des PAT. Si elle ne s’égare pas dans les expressions gastronomiques déconnectées des exigences quotidiennes, la cuisine, ce moment où les comestibles deviennent mangeables, est le parfait trait d’union entre tous les acteurs de cette transversalité, des acteurs qui sont d’abord des mangeurs!
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