Des témoignages, communications de chercheurs, tables rondes sur les actions de pédagogie menées à la cantine et à l’école
A l’initiative du député Richard Ramos (dpt du Loiret), régulièrement actif sur les questions d’alimentation et d’agriculture, une journée parlementaire a lieu chaque année à l’Assemblée nationale sur la question de l’éducation alimentaire à l’école. Son programme est conçu et animé par un collectif d’associations de diététiciens-nutritionnistes qui comprend le « CENA« (Club Expert Nutrition Alimentation), « Du Pain Sur la Planche » (DPSP), « MIAMUSE », « L’Atelier du Placard », « RNDSP« .
Ce 24 novembre 2022, le programme était riche: à voir ici. La succession d’interventions de chercheurs, sociologues, éducateurs, nutritionnistes, associations ont notamment abordé sous divers angles la pédagogie alimentaire dans le contexte scolaire, et comment l’expérience du midi à la cantine peut le favoriser. Avec aussi des retours d’expériences sur l’application de la loi EGalim. J’ai trouvé une belle qualité aux interventions en raison des regards croisés.
En matinée, j’ai été particulièrement intéressé par l’intervention de la sociologue et démographe Christine Tichit, directrice de recherche à l’INRAE et membre du réseau SOLAL. Intitulée « Comment le rapport des enfants se construit en fonction de l’attitude des adultes en l’absence de pédagogie effective autour de la cantine ?« , cette prise de parole restitue les résultats d’études menés au sein de collèges d’Ile de France et de leurs cantines, avec des statistiques et entretiens. Elle met notamment en évidence l’invisibilité des personnels de cantine au sein de la communauté éducative : tout est dit ici quant aux limites que nous rencontrons pour former efficacement les équipes de cuisine à des changements dans l’assiette. Un exemple est particulièrement frappant: un collège de banlieue parisienne avec une cantine dont la cuisine est située 2 étages plus bas: Au sein de l’établissement élèves et enseignants persuadés que les repas sont préparés à l’extérieur (cuisine centrale) et livrés tout prêts… entretenant l’idée de nourriture fabriquées industriellement.
En après-midi je participe au débat La loi EGalim en restauration scolaire favorise-t-elle l’éducation à l’alimentation. Le ministre Stéphane Travert témoigne des intentions de la loi EGalim qu’il a porté en 2018. Luc Lignon (directeur de la restauration de Montpellier) présente les nombreuses initiatives éducatives dans le système de restauration de la ville en parallèle des changements dans les approvisionnements et les menus. Marie-Pierre Membrives, témoigne en tant que parent militant dans l’association de l’alimentation durable et du projet « cantines rêvolution ». Gilles Pérole (adjoint à la ville de Mouans-Sartoux, connue pour ses cantines et régie maraîchère remarquables) intervient comme co-président de la commission alimentation et restauration scolaire à l’association des maires de France. Il témoigne des difficultés des élus locaux face à une forme d’incohérence entre les intentions d’EGalim et les moyens donnés aux collectivités pour y répondre.
Pour ma part, j’étais invité sur la question de l’évolution des représentations dans la formation et les métiers des équipes de restauration collective, et identifié comme président du Mouvement des Cuisines Nourricières (MCN). J’ai articulé cette courte intervention sur 3 axes. D’abord le besoin d’une reconnaissance de la spécificité de ces métiers de cuisine collective, si mal connus. La non-reconnaissance (actée dans les débats du matin) aboutit immanquablement au déclassement à priori de ces métiers dans l’imaginaire de la cuisine française, alors qu’ils portent, avec plusieurs milliards de repas par an, des responsabilités sanitaires, éducatives, environnementales et économiques bien plus importantes que les cuisines commerciales, gastronomiques et traditionnelles. Puis il fallait reformuler les objectifs de la loi EGalim et de son fameux (?) repas végétarien hebdomadaire obligatoire, unanimement interprété comme une contrainte privative. Il s’agit pourtant d’enrichir les menus avec des aliments tels que les légumineuses, d’une façon qui soutient non seulement l’environnement et la santé, mais aussi les évolutions vers des filières animales de qualité. J’ai conclu mes 7 minutes d’intervention, avec un constat et une préconisation: en ce début de XXème siècle l’éducation des jeunes à l’alimentation durable passe par une éducation de tous les acteurs du champ scolaire à cette alimentation durable, qu’ils ne connaissent souvent qu’avec quelques clichés. Qui sait que les légumineuses peuvent être des facilitateurs stupéfiants à plus de cuisine maison ? Qu’elles permettent la maîtrise des budgets en période d’inflation et même en bio, et que tous les cuisiniers formés y voient un enrichissement des métiers de cuisine… avec des savoir-faire que bien des parents en charge de l’alimentation domestique seraient heureux de connaître ?
Des témoignages très intéressants ont ponctué l’après-midi, notamment le témoignage de jeunes d’une école Montessori impliqués dans la préparation des repas. Elle est conclue par l’inévitable intervention, en ces lieux prestigieux, d’une cuisinière étoilée sûrement très valeureuse, mais tellement éloignée du quotidien et des moyens des cantines. Petite satisfaction, le député Ramos, instigateur de la journée, a juré qu’on ne l’y prendrait plus, et qu’il inviterait « une cantinière » pour clôturer la prochaine journée.
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